Si dans le sud de la France nous avons les LOUPGLIER (le légendaire animal mi loup mi sanglier que j' avais eu la malchance de rencontrer dans une précédente dégustation) en Ecosse on peut être amené à rencontrer des créatures non moins terrifiantes : des fantômes portant des enfants décédés, des joueurs de cornemuse errant dans les manoirs, des trolls joufflus...
L'une d'entre elles ressemble à un loup noir géant aux dents acérés et aux babines bavantes. Il hante les montagnes surplombant le Loch Ness (territoire de Nessie encore un
être endémique assez singulier ! ) et rode la nuit autour du village de Tomatin dans la région du Speyside : le CÙ BÓCAN.
Il se dit qu'il se nourrit exclusivement d'enfants dodus mais également parfois de motte de tourbe quand il ne trouve plus
d'enfants. Cette seconde source de nourriture fait qu'il crache de la fumée à l'odeur tourbée de ses narines (c est d'ailleurs grâce à ça que les villageois le détectent et se cachent à son
arrivée).
Brrrrr ça fait froid dans le dos.
Le fait est, une des légendes le concernant raconte que le master distiller actuel de la distillerie Tomatin, Graham Eunson, a eu la malchance de tomber sur lui dans les années 1990, alors qu il
venait juste d'être embauché. En pleine force de l'âge il a néanmoins réussi à faire face et l'a combattu à coup de clé à bonde et en assayant de lui brûler les yeux avec de la tête de cuvée
(enfin c'est comme ça que j' ai traduit l'histoire gaélique mais je ne suis pas complétement bilingue !).
Le fait est qu'en memoire de cette belle victoire il a décidé de créer un whisky "tourbé". Enfin pas réellement tourbé dans les
"règles de l art" (à savoir distillé à partir d'orge tourbé), mais tourbé sur la base d un vieillissement en fût ayant contenu du whisky tourbé.
Voila aujourd'hui, je vais tester pour vous celui qui me semble être le meilleur de la gamme, l'originel : celui de 1990.
Voilà le decor, Graham Eunson rentre de son combat avec le Cù Bócan, se remet de ses émotions devant un verre de Tomatin 18 ans (que je vous ferai gouter ultérieurement) et se met au travail. Le
distillat obtenu est ensuite oublié au fond du chais pendant 23 ans dans quelques futs de bourbon, puis est sorti de son long sommeil pour être transféré pendant 4 ans dans d'autres fûts de
bourbon mais enfumés par un whisky fortement tourbé en provenance de l île magique (Islay).
Au final 27 ans après on se retrouve avec 1400 bouteilles d'une légende (et quelques temps aprés dans mon verre 😎).
A l'inverse du reste de la gamme Cù Bócan dans des bouteilles transparentes, cette expresssion conserve jusqu'au bout son mystère avec une bouteille noir qui masque sa couleur.
Quand il dègne enfin atteindre notre verre on se retrouve face au distillat d une belle couleur or avec des reflets légèrement foncés (il a pris de la couleur du fût
a force d'y séjourner).
Compte tenu de son âge, il convient de laisser la bête se réveiller. Je vous conseille clairement de laisser le whisky quelques minutes dans le verre pour qu il
s'aére et se révèle. Cela vous donnera l occasion de vérifier si votre porte est bien fermée pour ne pas laisser entrer le Cù Bócan si il passe par là !
Le résultat de cette attente vaut le détour. Quand le nez s'approche du verre sans un rentrer vraiment vous partez en voyage avec de douces et légères odeurs de
fruits tropicaux. Vous prenez ensuite votre courage à deux main et plongez franchement votre nez dans le verre. c'est là que la bête commence à sortir de sa tanière. Ce whisky est embouteillé à
la force du fût à 52,9 % (au bout de 27 ans quand même !). Pour autant l'alcool n est pas aussi agressif qu on pourrait le croire. Je pense que la bête est maligne et reste en retrait pour mieux
attaquer plus tard.
Neanmoins, on quitte les îles ensoleillés pour aller dans les forêts humides (royaume du Cù Bócan) avec des aromes vert et frais. Reprenais un peu d air et plongez à
nouveau ! La tourbe est là ! Non celle ci ne sort pas des narines de la bête mais bien du whisky. Elle est douce et agréable légèrement chocolatée. Encore un peu de patiente, revenez-y et les
odeurs se font plus chocolatées.
Aller on
va réveiller la bête ?
Quand le liquide entre en bouche il est la clairement accompagné de la bête car la tourbe est bien présente et elle enfumé tout : les fruits tropicaux, les bois,
.... Gardez le presque 30 secondes (sans cligner de yeux si vous êtes capable -je vous rappelle quand même presque 53%-) et vous verrez comme la tourbe est d'abord bien puissante pour ensuite
s'adoucir avec l'anesthésie du palais amenant de aromes plus fumés et au final même de la douceur. Le long temps en bouche est comme une acceleration du temps. D 'abord le champs de fleur et la
forêt brûlent, ensuite au fil des mois l odeur de fumée s'estompe et à la fin les odeurs de fleurs et les sous-bois reprennent le dessus. Joli !
Le souvenir qui reste de ce whisky est quand même assez long. Il laisse en bouche des notes de fruits mûrs et la douceur d'une pâtisserie. La tourbe a lutté mais
épuisée par les ans et faisant preuve d élegance elle a disparu.
Comme souvent nous avons passé un agréable moment avec cette bouteille (pour laquelle il faut quand même débourser la coquette somme de 280 € mais qui tiens certainement à l'acte héroïque de
Graham en 1990).
Je vais vous laisser car je trouve que ça sent la fumée de tourbe et je me demande si le Cù Bócan n'est pas dans le coin en train de guéter.😬
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