On en parle souvent, mais de plus en plus de whisky voient le jour en France. Aujourd’hui nous allons organiser un « combat de coq » entre deux assembleurs français : LA MAISON BENJAMIN KEUNTZ et REBOREL DE CLIMENS. Ce ne sera pas un vrai combat bien entendu car en France on sait se serrer les coudes (le coq est quand même le seul volatile qui chante même les pieds dans la… tourbe pour être polis -NDLR-) !
Les deux assembleurs ont décidé de mettre en avant les terroirs français et notamment parmi les choses que la France sait faire de mieux : Le vin. Ils ne distillent pas directement mais se sont alliés et travaillent en étroite collaboration avec des distilleries françaises et s’attachent à utiliser de l’orge produite en France : Ils produisent des whiskies 100 % français (cocorico toujours lui, vous voyez qu’il chante).
Alors dans le coin droit, je vais donc commencer par le Parisien BENJAMIN KEUNTZ. Il est éditeur de whisky juste à côté de l’arc de Triomphe dans la ville des lumières, Paris. Il aime le whisky et les choses bien faites. Dans la presse on le compare déjà à John GLASER (c’est qui lui ?? 😉). Pour le whisky de ce jour, AUX PARTICULES VINES édition #2, comme pour une bonne partie de sa production, il fait distiller son whisky en Lorraine par la distillerie ROZELIEURES.
Dans le coin gauche, AYMERIC ROBOREL DE CLIMENS. Lui est œnologue dans le bordelais et produits ses whiskies comme des cuvées de vin. Comme son confrère, le whisky de ce jour le FINITION SEMILLON, il fait distiller son whisky, mais lui en Alsace dans la Distillerie HEPP.
Point commun de nos deux assembleurs donc c’est la finition de certains de leurs whiskies dans des fûts de vins français. Le premier s’est déjà essayé au Bourgogne (PULIGNY-MONTRACHET 1ER CRU) avec succès avec son premier AUX PARTICULES VINES (primé) et va désormais dans les territoires bordelais des deux côtés de la Garonne avec son n°2 (rive droite) et son n°3 (rive gauche).
Le second fait le tour de France des vignobles s’essayant tour à tour, à des cépages de la Vallée de la Loire (FINITION CABERNET FRANC), de Provence (FINITION ROLLE), du Roussillon (FINITION MACCABEU), du cognac (FINITION UGNI BLANC) ou du bordelais (FINITION SAUVIGNON et FINITION MERLOT).
Les deux whiskies que nous allons goûter sont eux tous les deux finis en fûts de vin bordelais. 5 mois dans fût de Saint-Emilion grand cru pour le AUX PARTICULES VINES #2 et 6 mois dans un fût de Sauternes-Barsac grand cru classé pour le FINITION SEMILLON (après 4 ans en fût de chêne neuf).
Je sais, vous allez dire un fût de vin rouge et un fût de vin blanc liquoreux !! Mais vous allez voir de nombreuses similitudes. Coté force, AUX PARTICULES VINES #2 est brut de fûts à 57,9 % alors que FINITION SEMILLON titre à 46 %.
Pour finir, comme pour les grands vins, Aymeric a choisi de millésimer ses whiskies comme pour les grands vins (celui que nous gouterons est un millésime 2015 mis en bouteille en 2019.
Alors ça donne quoi tout ça maintenant qu’on a « l’eau » à la bouche ?
Les deux whiskies se parent de très belles couleurs or, mais paradoxalement au regard de l’annonce des finishs, AUX PARTICULES VINES #2 est plus clair, bien que virant vers un léger cuivre, que FINITION SEMILLON qui lui est presque brun. C’est un peu le paradoxe que l’on peut rencontrer avec des singles malts finis en fûts de Xeres qui se parent parfois de robes presque rouge alors qu’on est présence d’un vin « blanc ». Néanmoins, les deux couleurs sont assez remarquables et donnent envie d’y plonger le nez.
Commençons par AUX PARTICULES VINES #2. Une farandole de fruits : Le nez est évidement enrobé d’alcool (57,9 % quand même). Mais très vite habitué, il discerne très vite de beaux aromes de poire bien mure presque compotée (l’apport du fût de vin qui vient à mon gout apporter beaucoup au distillat Lorrain en faisant murir ses poires). Par la suite, quand il a repris de l’air, le nez discerne encore la poire mais cette dernière laisse plus de place à des fruits plus rouges rapprochant ce whisky d’une finition xérès. Au troisième passage, la poire disparait et laisse place à une note plus boisée voire légèrement miellée.
La comparaison est un peu plus aisée et plus claire au nez en rajoutant une goutte d’eau qui va venir tuer l’alcool et laisser la lorraine (et sa poire) prendre toute sa place.
Quand le nez plonge dans FINITION SEMILLON, il est plus enrobé par de la chaleur. L’alcool est en toute logique moins présente et de fait laisse plus de place aux fruits du verger mures (des abricots, prunes bien mures). Surprise au second passage la fumée ! Et oui ce whisky est légèrement tourbé (20 ppm), d’où une certaine chaleur. Ressortait une nouvelle fois de ces volutes de fumée et découvrez des agrumes. En revanche, tout lorrain qu’il est pas de williams à l’horizon.
Au final, si vous voulez de la fraicheur (et de la poire vous irez vers le premier) et si vous voulez de la chaleur et de rondeur, vous irez vers le second. Ah, l’Alsace et la Lorraine une vieille histoire !
Et en bouche ?
AUX PARTICULES VINES est franc du collier, il vous met la poire mure entière dans la bouche ! Un instant (très court car c’est quand même d’un whisky dont on parle), je repense à la Williams à mon grand-père, quand il faisait pousser les bouteilles sur le poirier au printemps (RIP papy !!). Mais comme elle est bien mure, elle s’écrase et laisse passer son sucre et laisse ses notes confites et vous réchauffer le palais avec un gout très légèrement fumé ! Très joli voyage en Lorraine Moderne ! L’impact du fût ressortira plus sur un final long. Ce whisky laisse en bouche un mélange entre l’âpreté du vin rouge et un fond d’amande !
Pour FINITION SEMILLON, l’entrée en bouche est plus douce (moins d’alcool oblige). Elle est immédiatement onctueuse et chaleureuse. L’apport en sucre et onctuosité du fût de Sauternes est plus marqué que pour le vin rouge (assez logiquement). On est plus sur une compoté d’abricot. La tourbe ressenti est quasi absente (comme absorbée par le sucre). La chaleur du raisin de vendange tardive ressortirait presque en bouche. C’est d’ailleurs ce souvenir qui restera dans la gorge assez longuement.
Au final si l’apport finition fût de vin qui vient arrondir et réchauffer les distillats d’orge malté a certainement un bel avenir (et pourrait même peut-être devenir une vraie French touch), ce sera assez difficile de faire un choix en ces deux travaux.
Vous souhaitez un whisky plus franc du collier, comme on dit, mais qui amène des arômes fruités, ce sera plus vers AUX PARTICULES VINES #2 que vous irez. Si vous souhaitez un whisky plus chargé du soleil du sud de la France et en rondeur comme une vignes mure en septembre vous irez vers FINITION SEMILLON. D’un autre coté il fait toujours plus frais vers Paris (je le sais j’y habite !!) que vers Bordeaux (hein Seb !). En tout cas de quoi faire bonne impression et faire oublier la poire à papy qui arrivait en fin de repas !
Quoi qu’il en soit l’apport du travail de BENJAMIN KEUNTZ et AYMERIC ROBOREL DE CLIMENS est tout à fait louable : vive la France (pointe de chauvinisme personnelle).
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