Comme si mon BRAD PEAT pouvait voler au-dessus des mers, je continue mon voyage immobile de confinement et je passe de la presqu’ile de Campbeltown en Ecosse à celle de L’Armor au nord de la Bretagne. Comme partout en Europe, les routes sont vides et c’est rapidement que j’atteins le bout de la « presqu’ile sauvage » devant la distillerie GLANN AR MOR (« au bord de la mer » en breton).
Car oui le moins qu’on puisse dire c’est que la distillerie est au bout de la presqu'ile et au bord de la mer face au plateau des Sirlot, de l’Ile Maudez (où habitait le Saint du même nom venu tout droit d’Irlande où on produisait déjà du whiskey à l’époque…) et de l’lle de Bréhat (sur laquelle j’avais déjà dégusté le KORNOG SAINT ERWAN).
Et c’est surement ça qui fait que la distillerie créée à la fin de siècle dernier (1996) est une des meilleures de France et surtout qu’elle produit le meilleur whisky tourbé maritime de l’Hexagone : le KORNOG. Du vrai tourbé salin comme sur l’ile d’Islay. On dit qu’au crétacé la presqu’Ile de L’Armor était rattaché à Islay (d’où la similitude dans les goûts des distillats), mais c’est des « on dit » 😉 !
Arrivé devant la distillerie, comme je pouvais m’y attendre en plein confinement, elle est fermée. Néanmoins il y a des voitures. Aussi, l’espoir revient. Il revient d’autant plus qu’au moment où je sonne, la porte s’ouvre. Quelqu’un est confiné ici ? Non, il s’agit juste de Martine et Jean Donnay, les propriétaires, qui profitent de cette période bien trop calme pour réaliser l’inventaire de leurs stocks.
En gardant les distances de sécurité, je suis ainsi accueilli dans la distillerie et peut voir le côté artisanal et la passion des propriétaires.
Quand je vous dis que la presqu’ile est une ancienne partie d’Islay, je ne me trompe pas.
On a l’impression d’être retourné à l’époque où la fabrication du whisky sur Islay ne correspondait pas encore aux énormes volumes actuels.
Ici on prend son temps pour laisser fermenter le liquide dans des cuves en bois, on chauffe les deux petits alambics à la flamme, on laisse le cœur de chauffe se refroidir lentement pour laisser les aromes gras et goûtus dans de longs serpentins et surtout on produit peu pour produire mieux ! La passion du whisky quoi ! Vous rajoutez à ça, un air marin et la protection de Saint Maudez sur son ile juste en face et on se retrouve avec des whiskies parmi les meilleurs de France (même Jim Murray le disait dans sa « Whisky Bible » en 2016) !
Et justement, en ce jour très ensoleillé comme la Bretagne en a le secret (c’est d’ailleurs pour ça qu’elle les distille au compte-goutte 😉) Jean me propose de déguster la version SHERRY OLOROSO 2019 sur la plage située juste derrière la distillerie (en gardant les distances de sécurité bien entendu) avec au loin le phare des Héaux de Bréhat (qu’on retrouve d’ailleurs sur la bouteille) et un peu plus près l’ile du même nom.
L’endroit n’est-il pas idéal ?
Jean se lance dans la présentation de son distillat :
Il s’agit d’un distillat tourbé (environ 40 ppm de phénols) et vieilli dans un fût de Bourbon puis affiné en fût de Sherry Oloroso. Ce finish lui permet de se parer d’une belle couleur or assez marquée.
Une petite brise marine se lève et nous donne le signal de la dégustation.
Quand j’approche mon nez du verre (sans franchement l'y plonger) je ressens déjà quelques douces notes de poire qui ne donnent qu’une envie : pousser plus avant l’analyse olfactive. Je plonge ainsi mon nez plus dans le verre et y découvre des notes tourbées et iodées légères. On n’est pas sur une grosse agressivité de fumée mais plus sur de douces volutes. L’apparence est fraiche. Le temps de reprendre un peu de la brise ambiante et de replonger mon nez dans le verre.
Là, il découvre des aromes de pomme et enfin l’apport du sherry avec le sucre des raisins secs. Comme pour la tourbe, l’arôme apporté par le sherry est assez doux.
Au troisième passage, les arômes se rafraichissent encore avec des apports d’agrumes et de foins qui viennent, elles, arrondir et sucrer l'ambiance et surtout donner le signal de la dégustation.
Avant de goûter le distillat, j’en glisse une goute dans le creux de ma main et la frotte. J'y découvre clairement l’odeur de la tourbe et également celle du foin.
Un « yec'hed mat » au moment où les verres se choquent !
Malgré les 46 °, l’entrée en bouche est assez douce et même assez sucrée sur une note de poire. Néanmoins cette impression n’est qu’éphémère et est remplacée par une belle note tourbée légèrement amère. Des épices viennent ensuite se déposer sur la langue apportant leur lot d’âpreté.
Je vous conseille de chercher en vous le courage du marin breton et de garder le liquide en bouche plus longtemps. En effet, au bout d’un moment, il va s’arrondir, balayant sur les côtés de votre bouche, les notes poivrées, de douces notes de vanille s’immiscent et viennent apporter du sucre. Le signal d’avaler est donné par un retour en force de quelques notes plus citronnées.
Une fois fait, vous découvrirez que ce whisky reste assez longtemps dans votre gorge et votre mémoire avec un beau souvenir de tourbe et une pointe de réglisse.
N’hésitez pas à renouveler l’expérience car le mix Islay-Armor-Andalousie est assez réussi (une fois encore !).
Pour autant, l’inéluctable se produira quand même et vous vous retrouverez avec votre verre vide, mais ce ne sera que pour y découvrir de beaux souvenirs de tourbe et d’orge.
Voilà, alors que la marée descend, que les bateaux s'échouent et que les iles en face ne gardent que le nom, il est temps de partir et de laisser le couple Donnay finir son inventaire. Pour ma part je remonte à bord de BRAD PEAT et pars vers de nouvelles aventures non loin du côté de la forêt magique de Brocéliande. J’ai rendez-vous avec un Druide qui transformerait l’eau en Single malt !
Kenavo !
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