Arrivant directement des Cotes d’Armor, au nord-est de la Bretagne, mon voyage de confinement m’amène désormais dans le Finistère (toujours en Bretagne).
Le jour venait juste de se lever quand je suis arrivé à bord de BRAD PEAT au village de Plomelin à coté de Quimper. J’avais le secret espoir de découvrir la distillerie spécialiste de la distillation du blé noir, DISTILLERIE DES MEHNIRS, et d’y déguster le fameux 2004 15 ans d’âge oublié ! Mais encore une fois je fis face à une porte close et un nouvel envol de mon espoir.
J’aurais pourtant bien voulu voir cette distillerie où on produit en famille depuis 1986 (le whisky depuis 1996). Enfin depuis 1986 au moins ici dans le vallon de Pont-Menhir car la vrai histoire familiale date de 1921 et est celle d’une famille de bouilleur de cru ambulant (à l’ancienne) qui traçait la route pour bouillir de la pomme.
Donc ça n'aura pas encore été pour cette fois-ci ! Je ne pourrais pas rencontrer la famille LE LAY qui a, au prix de longues expériences magiques, inventé le whisky au blé noir (qui se dit EDDU en breton tiens comme c’est étrange !). Je ne pourrai pas voir leurs deux alambics qui produisent artisanalement (comme les ancêtres bouilleurs dans leur remoque !) et ne verrai pas non plus leur beau chai de vieillissement dans lequel ils ont retrouvé les 3 fameux fûts oubliés de 2004 (qui ont produits les 654 bouteilles qu’on ne trouve qu’ici).
Néanmoins, je trouve un message accroché au portail où il est stipulé qu’une dégustation secrète avait lieu plus à l’est à proximité de Rennes, dans la forêt de Brocéliande ! Ouf !
Me voilà donc reparti avec BRAD PEAT en direction de l’Est pour deux heures sur des routes vidées de leurs voitures par le vilain corona.
J’arrive ainsi à Paimpont en Ille et Vilaine, je gare BRAD PEAT à côté de l’Etang et part à pied en direction de la fameuse forêt de Brocéliande.
Au bout de 30 minutes d’une marche m’ayant mené à proximité du tombeau de Merlin, les âmes déjà assez rares dans le village confiné, avaient complètement disparu et je me retrouvais seul et sans indications dans cette forêt qui devenait de plus en plus sombre.
Je commençais sérieusement à me dire que j’allais pouvoir dire aurevoir à ma dégustation, quand, tout à coup, j’entendis un fourré faire du bruit ; de quoi ne pas faire le malin dans cette forêt pleine de légendes !
Une voix se mit à m’appeler : « hey ! Ne serais-tu point le parisien qui s’est cassé les dents devant la distillerie des Menhirs ? ». Pas de quoi franchement se rassurer !
Je vois alors surgir un petit être qui n’avait pas vraiment le physique facile (comme disait Coluche) ! A peine plus grand qu’un jéroboam de Bordeaux et avec de grandes oreilles en pointe : un korrigan. Il sortit du fourré et vint vers moi : « je m’appelle Raoul de Gaël et je suis l’apprenti du druide LE LAY. Il m’a chargé de t’amener à lui pour qu’il te fasse goûter de l’élixir de jouvence".
Ce n’était pas réellement le moment de se montrer difficile, ainsi je suivis mon nouvel ami qui glissait sans bruit à travers la forêt filant comme un feu follet. Nous nous sommes enfoncés inexorablement dans le mystère de Brocéliande. Alors que la brume s’élevait des arbres, on n’entendait que les bruits des pics-verts en train de creuser leurs trous et ceux des oiseaux en train de piailler en ce début de printemps. On se serait cru Place de la concorde en plein confinement 😉.
Au bout de quelques minutes de marche, nous sommes arrivés au pied d’une cascade majestueuse au-dessus de laquelle trônait un arbre doré. A ce moment le korrigan se retourna vers moi et dit : « bienvenue au Val Sans retour, le Druide LE LAY est là-haut devant l’arbre d’or ». Aussi vite qu’il me le dit, il disparut dans un fourré et c’est seul que j’ai fini l’ascension vers cet arbre mystérieux.
Arrivé devant l’arbre recouvert d’or, je fis face à un homme habillé d’une grande robe blanche et paré d’une grande barbe elle aussi blanche (certainement encore un qui s’est laissé aller pendant le confinement !). Il me dit : « Demat parizian ! tu as bravé le confinement pour venir me voir aussi je vais te montrer comme je transforme l’eau et le blé noir en single malt et te le faire goûter » (en Breton dans le texte !).
Je vais te montrer comment, avec une poignée de graines de sarrasin, on transforme de l’eau en single malt. Il quitte l’arbre d’or, prend un glencairn et descend en bas de la cascade pour récupérer un peu d’eau. Une fois remonté à mon niveau me montre le verre, prend une poignée de graines de sarrasin, la jette dedans et se lance dans de mystérieuses incantations : « treuzfurmiñ l'elbrouz en hini-kreñv » (je vais transformer l’eau en single malt en français dans le texte) et d’autres mots dont je vous fais grâce et que seuls les druides peuvent comprendre (de toute façon je pense que les lettres ne sont pas sur le clavier !). Un peu de temps se passe mais….rien ne se passe !! Il vit mon air incrédule et me dit en souriant : « Ok, il faut aussi un alambic cognaçais et une chauffe à la flamme pour le transformer ! ».
Il se retourne alors et va juste à côté de l’arbre doré en sort une bouteille estampillée EDDU 2004 ! Le druide LE LAY me dit « à défaut de goûter de l’eau transformée en single malt on va goûter un whisky resté dans le fond de notre chai pendant 15 ans dans un ancien fût de cognac ».
J’étais rassuré !
Le liquide qu’il versa dans mon verre avait la couleur d’une pierre d’ambre éternelle plutôt claire (comme quoi les fûts de cognac savent aussi bien colorer les distillats que des fûts de sherry).
Avant de nous lancer dans la dégustation, il me dit que ce whisky déjà assez limité lors de sa mise en bouteille, était de plus en plus rare et que j’avais de la chance de pouvoir le déguster en dehors de la distillerie (seul endroit où il est vendu). Il me dit également qu’il apportait la vie éternelle pour celui qui savait l’apprécier. Ça c’est quand même à voir mais bon je veux bien essayer !
A peine au-dessus du verre, mon nez détecte la note typique « blé noir » ! Fraiche et fleurie ! En approchant un peu plus le nez du verre, j’y ai découvert la source de la fraîcheur : des notes citronnées mélangées à une odeur de pomme. J’ai soulevé mon nez pour reprendre un peu de l’air frais de la forêt magique avant de replonger dans les méandres de la découverte olfactive de ce 15 ans d’âge. Le second passage fit réchauffer l’atmosphères en emplissant mon nez de notes beaucoup plus céréalières, boisées mais également fruitées. Parcourant mon nez un mélange de céréales séchées et de fruits bien murs qui en se mélangeant créait une odeur proche de celle de la vanille.
Juste avant de me lancer dans la dégustation à proprement dit, le Druide LE LAY refit quelques incantations en langage druidique et fini par un « yec'hed mat » (santé).
Le signal était donné pour commencer la dégustation.
Ce whisky de blé noir entra en bouche tout d’abord avec la douceur sucrée d’une tarte aux pommes, mais sournoisement comme un cheval de Troie, il délivra très vite des assauts épicés et une grande fraîcheur. En regardant le druide se délecter du liquide, je le gardais 15 secondes et découvrais dans ma bouche la fraîcheur de la forêt de Brocéliande un matin brumeux. Des notes boisées et végétales. J'ai même découvert une pointe d’anis juste avant d’avaler.
Une fois fini j'ai regardé la chute d’eau et l’arbre doré, et ai ressenti les dernières sensations d’agrume et toujours de fraîcheur dans ma gorge.
Le druide me dit que le whisky de blé noir apporterait la vie éternelle ! C’est n’est pas encore prouvé et puis si c’est comme le fait de transformer l’eau en single malt ça reste à voir ! Il me dit aussi que malheureusement, j'étais en train d’atteindre la fin de mon heure d’autorisation de sortie et qu'il allait falloir que je regagne BRAD PEAT et continue ma route !
C’est avec grand peine que j'ai dis au revoir à mon hôte et retrouvé le korrigan qui m’a aidé à sortir de ce Val qui est soi-disant sans retour.
Mon tour de Bretagne touchait à sa fin. Je vais peut-être refaire un tour dans les terres écossaises.
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