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YEUN ELEZ (WARENGHEM) JOBIC & SMALL BATCH

  

Il y a peu, point de reconnaissances internationales pour les whiskies français. Les producteurs devaient « se limiter » souvent au Concours Général Agricole du salon de l'agriculture (même s’il faut reconnaitre les lettres de noblesses de ce concours).

 

Mais depuis cette année, les spiritueux français ont « enfin » été autorisés à rentrer dans la cours des grands mondiaux avec la mise en place du célèbre World Drinks Award France.

 

Le moins qu’on puisse dire pour cette première édition c’est que la Distillerie WARENGHEM a « embrumé » une bonne partie des podiums avec ses whiskies tourbés.

 

Si vous en avez loupé des morceaux voici un petit rappel des classements version ARMORIK  :

-       Médaille d’or dans la catégorie single malt (sans compte d’âge) pour le Yeun Elez Jobic

-       Médaille d’or dans la catégorie single cask (sans compte d’âge) pour le Yeun Elez Fût 8366

-      Médaille d’argent dans la catégorie Small Batch Single Malt (sans compte d’âge) pour le Yeun Elez small batch.

  

Oserons nous passer sous silence également, la médaille d’or du Armorik 10 Ans Édition 2024 (catégorie small batch 12 ans et plus), la médaille d’argent du Armorik Deiz 2024 (catégorie Single Cask de 13 à 20 ans) et les médailles de bronze pour l’Armorik Sherry Cask (catégorie Single Malt sans compte d’âge) et le Distillerie Warenghem WB Whisky Breton (Blended sans compte d’âge).

 

Une moisson presque aussi importante que celle qui est réalisée tous les ans dans les champs d'orge avant la distillation.

 

Aussi, je vais vous raconter ma découverte rocambolesque de la famille des YEUN ELEZ dans les terres bretonnes et je vais en profiter pour vous faire goûter le YEUN ELEZ JOBIC ainsi que le YEUN ELEZ SMALL BATCH. 

 

 

Pour cette dégustation, c’est en direction de l’Armorique que je pars à bord de mon fidèle BRAD PEAT à la découverte des whiskies tourbés d'un des pionniers du whisky français (puisqu'il est distillé ici depuis 1983) WARENGHEM.

 

La route me mène à l’Ouest de la Bretagne vers les Monts d’Arrée.

 

Je pensais aller vers la ville de Lannion, fief de la distillerie Warenghem depuis 1900, lorsqu'elle a été crée par Léon Warenghem pour y distiller ses Elixirs d'Armorique, mais le rendez-vous avec ERWAN LEFEBVRE, maître de chais de la maison, est prévu plus au sud dans le village de Commana.

 

Je retrouve mon hôte prés du presbytère du village au pied du calvaire.

 

 

Je fais face à un homme accompagné d’un chien noir prénommé PPM. On dit de lui qu’il est à moitié druide et à moitié alchimiste. Sa carrière dans le vin et depuis 2014 chez Warenghem lui permet de proposer décoctions magiques et de faire de expériences des plus réussies. 

 

Et c’est bien ce qui va nous intéresser aujourd’hui puisqu’il a prévu de me faire goûter les whiskies tourbés de la Distillerie  : YEUN ELEZ.

 

 

Erwan me dit que la dégustation ne se tient pas dans le village mais dans le parc des Monts d’Arrée. Une balade en début de soirée en campagne à l’heure où le soleil commence à se coucher, où les brumes bretonnes se lèvent et viennent certainement réveiller les esprits ??!! Pas très encourageant, espérons que le nouveau whisky est bon !

 

Nous remontons donc tous deux accompagnés de PPM à bord de BRAD PEAT pour un petit quart d’heure de route.

 

 

 

Le chemin nous mène à travers les bruyères dans les collines proches du village. Le trajet donne l’occasion à mon hôte de me compter l’histoire des lieux : selon la légende c'est dans ses marais que, jadis, on venait rejeter en enfer les âmes mauvaises qui hantaient les vivants. On faisait alors venir un prêtre exorciste pour métamorphoser le revenant en chien noir. Un prêtre accompagnait ensuite la personne et le chien au cœur du 'Yeun Ellez' à la tombée de la nuit. Le prêtre devait ensuite pousser chien noir dans le marais des Portes de l'Enfer afin que le sort soit levé !

 

Autant dire qu’à l’écoute de ce récit, j’étais content de connaitre Erwan avec qui je me trouvais (même s’il était accompagné lui aussi d’un chien noir) et que ce n’était qu’une légende.

 

 

 

Je fus d’autant plus rassuré quand il me dit que cette légende était la thématique retenue par la distillerie WARENGHEM pour la bouteille et l’emballage de ses productions tourbées (ouf ! même si j’avais encore quelques frissons).

 

D'ailleurs, si vous êtes curieux, si vous vous penchez sur les bouteilles et les boites qu’il l’accompagnent, on peut y découvrir une tête de chien ainsi que les croquis de l’histoire.

 

 

 

Il me tarde désormais de goûter ces nouvelles productions tant primées qui ont permis à WARENGHEM de mettre les pieds sur les terrains tourbeux depuis 2020.

 

 

Erwan me dit que fidèle à ses productions (plutôt sherry ou bourbon en double ou simple maturation), le choix a été fait par la distillerie de ne pas appeler son whisky ARMORIK comme elle en a l’habitude, mais de créer une nouvelle marque : YEUN ELEZ (qui n’était autre que le nom breton des tourbières où mon hôte me conduisait). 

 


Dégustation YEUN ELEZ JOBIC

 

Avec le JOBIC la distillerie propose un whisky issu d'une orge tourbée à 50 ppm venue d'Ecosse (dans le Norfolk de chez Crisp Malting). Afin d'optimiser le goût tourbé du JOBIC et "limiter" l'apport du bois, les équipes de Lannion ont choisis de vieillir le distillat en moyenne 4 ans dans des fûts de bourbon "épuisés" (ayant contenu au minimum 3 whiskies ARMORIK).

 

Avec Erwan, nous sommes enfin arrivés au bord de la tourbière dite des portes de l’enfer, lieu choisi par lui pour notre dégustation.

 

Il me dit en revanche de faire attention à ne pas y mettre les pieds car comme toute bonne tourbière, il se peut que ma chaussure ne s’en sorte pas. De plus, il faudrait éviter de réveiller les esprits qui y avait été jetés par le prêtre. C’était une légende mais dans le doute !! Même PPM le chien d’Erwan semblait s’en tenir un peu loin (faut dire que les chiens n’avaient pas complètement le meilleur rôle dans la légende).

  

 

C’est donc au milieu d’une ambiance brumeuse et plutôt fraiche (mais pas pluvieuse car là aussi la pluie de Bretagne n’est que de l’ordre de la légende), que nous allons déguster ce whisky.

 

Erwan me versa donc un liquide couleur jaune doré très clair (un vrai whisky tourbé sans artifice peu marqué en teinte compte tenu des fûts retenus).

 

Lorsque l’on s’approche du verre, on peut distinguer des arômes plutôt médicinaux et frais. Cette fraicheur se confirme en plongeant le nez dans le verre. Des aromes de bruyère perlée de rosée et une belle odeur de poire se mélangent.

 

En replongeant une seconde fois le nez dans le verre les aromes se réchauffent légèrement sous l’effet d’un murissement de la poire à laquelle vient s’ajouter une odeur de banane. De plus à ce moment vient s’additionner une pointe de poivre qui vient chatouiller les cils du nez. Mais la tourbe ?

 

Et bien elle fait timidement et discrètement son arrivée au troisième passage. Elle est assez douce mais pas omniprésente mais elle vient parfaire l’impression de réchauffement du liquide.

 

Comme souvent une goutte dans votre main viendra confirmer sa présence. 

 

 

Erwan me dit « Yec’hed mat » dans sa langue bretonne et fait clinquer son verre contre le mien. Je pense qu’il va falloir gouter.

 

Autant les premiers aromes du nez se présentaient frais, autant le liquide qui entre en bouche est épais et digne d’un beau whisky tourbé.

 

Il commence sa route en bouche par des paniers d’agrumes citronnais amenant une pointe d’amertume sur le palais. La fraicheur annoncée par le nez s’avère iodée. Elle s’accompagne de notes poivrées. L’attaque montre ainsi bien sa présence. En le gardant en bouche il va s’arrondir et s’adoucir avec ça et là quelque motte d’étoupes qui viennent se rappeler à nous. La tourbe de ce whisky n’est pas agressive et amène une fraicheur herbeuse assez agréable.

 

Une fois avalé, il laisse en bouche des notes citronnées et une pointe d’iode.

 

Cette première expérience tourbée de chez WARENGHEM tient bien ses promesses et permet de déguster un whisky français qui n’a rien à envier les meilleurs whisky écossais tourbés (et le jury du World Drinks Award France ne s'y ait pas trompé). 

 


Dégustation YEUN ELEZ SMALL BATCH

 

Le jour se lève un peu plus sur le marais le ciel annonce un belle journée bretonne et se teinte de rouge comme annonçant la seconde dégustation portée sur le sherry.

 

En effet, pour le SMALL BATCH (1 200 bouteilles), la distillerie a choisi de distiller en 2020, la même orge que pour son JOBIC, mais de le faire vieillir intégralement dans des combinaisons de fûts de sherry butt (80% en chêne américain et 20 % en chêne espagnol) et de le proposer au degré respectable de 56,3 % d'alcool.

 

 

Alors que le JOBIC garde les teintes très claires, la couleur du SMALL BATCH est marquée fortement par son vieillissement intégral sherry et se pare de teintes brunes marron acajou.  

 

Son premier nez est puissant et dense mélange de note de fruits rouge et de tourbe. Il est amplifié par son taux d’alcool. Les notes de tourbe sont chaudes et légèrement camphrées. Elles sont même rehaussées par des notes épicées boisées de clous de girofle. Un vrai bonbon pour l’amateur.

 

Au second passage, il va prendre des arômes plus doux d’agrumes gorgés du soleil en train de se lever sur le marais et va aller plus sur le sucre.

 

Le troisième passage marque, lui, un retour à des notes plus grillées et caramélisées.

 

 

 

En bouche, on ne s’y trompe pas, nous sommes bien sur des notes tourbées et un vieillissement sherry.

 

La chaleur du distillat est quelque peu contrebalancée par les notes plus tendues de fumée de tourbe ce qui assoit, cette fois-ci, ce distillat comme une référence de whisky tourbé. On va également trouver des notes sucrées de fruits murs (a en faire tourner la tête des jurés du concours).

 

La finale est longue et se fait tantôt tourbée tantôt sucrée. 

 


  

 

Au moment où nous terminons nos verres, PPM se mis à s’agiter et à gémir.

 

Aurait-il senti quelque chose du côté de la porte de l’enfer ? Il va être l’heure de redescendre à Commana où je dois ramener Erwan.

 

De mon coté, je vais repartir plus au nord en direction de Lannion (la ville Warenghem) pour vous faire découvrir la distillerie. Je ne saurai d'ailleurs vous conseiller d'y faire un tour pour aller déguster les créations de la maison. Je vous propose d'en découvrir quelques images ici !

 

Kenavo

 

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