Je me rappelle de ce frais matin d’automne où nous sommes partis avec mon Beau-père (que nous appellerons ici Papilou pour l’anonymat car personne ne le connait sous ce nom) d’Aberdeen à bord de BRAD PEAT, en direction du sud vers les contreforts des Cairngorms et leurs rivières à saumon.
Alors que la brume matinale était comme le jour, en train de se lever, nous nous sommes posés sur les rives du North Esk non loin du Gannochy Bridge. L’endroit paraissait idéal pour mesurer ce que « pêcher en Ecosse » signifiait.
Mais j’avais aussi une arrière-pensée. Non loin de là, un peu plus au nord, se trouvait le petit village d’à peine plus de 200 âmes de FETTERCAIRN et surtout une distillerie portant le même nom. Je souhaitais montrer à Papilou la curiosité de cette distillerie et si possible lui faire gouter le 16 ans d’âge de la maison.
Nous avons donc laissé BRAD PEAT sur le bord de la route à proximité des rochers de la solitude et nous nous sommes enfoncé dans la forêt. Nous sommes assez rapidement arrivés dans ce paysage presque originel que notre loueuse d’Aberdeen nous avait indiqué et qui était destiné à abriter notre partie de pêche.
Les premières discussions ont bien entendu concerné la couleur des mouches à utiliser : plutôt sombres, plutôt claire ?? Papilou, en grand connaisseur, me dit rien ne vaut la mouche véritable en me montrant un beau spécimen qu’il venait de récupérer.
Alors que la brume devenait de moins en moins épaisse sur la rivière s’en est suivi une belle partie de 2 heures de pêche au milieu de la forêt au seul bruit du ruisseau et des feuilles commençant à jaunir sur les arbres.
Au final, une seule prise, mais belle prise avec un magnifique saumon de 2,7 kg qui bien entendu a été attrapé avec une mouche véritable bien évidement (je m’y connais en whisky mais en pêche… et en plus avec un pro).
Alors que le soleil était désormais presque à son zénith, nous avions passé une belle matinée Ecossaise à pécher. Et comme toute belle matinée écossaise quoi de mieux que de la terminer dans une distillerie.
Ayant rendu le saumon à ses eaux limpides, nous avons regagné BRAD PEAT et j’ai dit à Papilou qu’il était inconcevable de rentrer à Aberdeen sans être passé voir l’alambic de chez FETTERCAIRN.
Nous sommes ainsi remontés vers le nord et avons gagné le village en moins de 10 minutes. Nous sommes arrivés devant les bâtiments blancs d’une des plus vieille distillerie officielle d’Ecosse.
En effet, j’ai expliqué à Papilou qu’elle avait été créé en 1824 par Sir Alexander Ramsay (chef du clan du même nom) et qu’elle avait été la seconde d’Ecosse à obtenir une licence de distillation (après THE GLENLIVET –NDLR-). Devant la façade d’un des bâtiments, Papilou me dit : « il y a des licornes dans le coin ? ». Qui sait peut-être on est en Ecosse. Je lui ai, néanmoins, expliqué, que cela faisait longtemps qu’on n’en a pas vu ici et surtout que le symbole sur l’écusson de marque était simplement tiré de celui du clan RAMSAY.
Comme toute bonne distillerie écossaise, nous avons pu admiré le beau toit pagode du kiln de cette distillerie qui a réussi à franchir les âges sans jamais fermer ses portes (à peine une petite mise en sommeil avant la seconde guerre mondiale). En revanche, distillerie qui a connu plusieurs propriétaires comme le clan GLANSTRONE (qui l’a racheté aux RAMSAY 5 ans après l’ouverture), The GLENLIVET et plus proche de nous WHYTE and MACKAY en 1973 (encore propriétaire et son emblématique master blender RICHARD PATERSON).
Bref ici, quand on parle whisky, on sait de quoi on parle.
Avant de faire gouter le 16 ans d'âge à Papilou, je voulais lui montrer la salle des alambics de la ditillerie. Ok, une salle des alambics quelle que soit la forme de ces derniers, ça reste une salle des alambic. Pour autant, ici elle est unique car elle enferme un alambic unique au monde lui aussi.
En effet, un des ses 4 alambics a été modifié dans les années 50 afin de produire un distillat plus fin. Le système est simple (encore fallait-il y penser) et consiste à faire ruisseler de l'eau fraiche (venue des rivières avoisinantes et servant également à la production des distillats - NDLR-) le long du col de l'alambic afin de créer une condensation complémentaire et de ne faire monter que les vapeurs les plus legères (et les plus pures). Bref, une pièce unique reconnaissable à l'oxydation de son chapiteau.
En avançant dans les bâtiments nous tombons sur Stewart Walker le responsable de la distillerie (tiens donc). Je lui raconte notre partie de pêche du matin, écoute le récit de ses meilleurs dans le coin, et lui explique que je souhaiterai faire goûter le magnifique 16 ans d’âge à mon beau-père.
Il accepte volontiers et nous conduit dans l’un de nombreux warehouses de la distillerie, histoire de nous le faire gouter « in situ » !
Au moment où il nous sert un beau liquide ambré dans les verres, il en profite pour nous expliquer comment ce 16 ans a été vieilli : 15 ans passé dans des fûts de chêne américain ayant contenu du bourbon avant d’avoir été séparé en deux pour un voyage d’un an dans la péninsule ibérique : une moitié en dans un fût espagnol de Xérès OLOROSO et une autre moitié dans un fût portugais de PORTO. C’est d’ailleurs un des rares de la gamme à vivre un vieillissement multiple (nous y reviendrons).
Il nous explique aussi, qu’en plus d’être passé par le fameux alambic, ce whisky est le fruit d’une distillation d’un "chocolate malt" (procédé qui fait sécher l’orge par torréfaction et qui la rend marron et encore plus fruitée).
Bref un magnifique menu qui nous annonce un whisky doux et fruité à souhait !
Qu’en est-il vraiment ? Nous nous sommes ainsi lancé dans une belle dégustation.
Nos nez ont découvert un whisky très fruité (une véritable corne d’abondance de fruits murs) mais aussi très doux. Il n’était pas agressif malgré ses 46,4 % d’alcool et les premières odeurs sont presque restées tapi au fond du verre (c’est peut-être ça l’effet de la légèreté de la méthode de distillation). Avant de sortir le nez du verre nos nez ont néanmoins découvert une pointe vineuse (certainement issue des fûts de finish).
Au second passage les arômes sont restés chauds et se sont désormais focalisés sur une pêche blanche puis en insistant sur une pointe citronnée et même épicée.
Le troisième passage a été définitivement sur la chaleur et le sucre avec l’arrivée de belle notes vanillées et chocolatées.
Stewart nous a lancé un désormais habituel « slainte mhath » pour nous donner le signal.
En bouche, le caractère très fruité et chaud du distillat s’est confirmé. La belle présence de fruits murs et goutteux s’est accompagnée d’épices qui sont venus se coller sur la langue pour y rester toute la dégustation.
Sur les 16 secondes nécessaires à détecter tous les arômes présents, nous avons eu de la vanille, une pointe d’âpreté liée au derniers fûts utilisés mais surtout de beaux arômes fruités. Au bout de quelques secondes, une pointe poivrée a fait une apparition furtive pour au final laisser une grande place à des notes d’ananas et de vanille. C’est ces dernières qui ont finalisé la dégustation sur de larges notes pâtissières. A noter cependant, la note poivrée qui s’est accrochée tant bien que mal au bout de la langue pour ne pas être balayée par la douceur et le moelleux.
Le final a été relativement long et signé sherry avec de la chaleur, une pointe de gingembre et un gout de torréfaction (en plus celle de pas assez qui accompagne toute les dégustations). En marge je me souviens de la pointe d’âpreté qui elle reste collée à la langue.
Belle dégustation.
Avant de prendre congé de lui, notre hôte nous a présenté toutes les réalisations de la marque : 12 ans, 22 ans et 28 ans (tous trois vieillis en fûts de bourbon) mais également les honorables 40 ans et 46 ans distillés dans les années 70 et vieilli respectivement en futs de sherry Apostoles et de porto Tawny en sus de leur long vieillissement en fûts de bourbon. Je garde sous silence le plus qu’honorable 50 ans qui coûte plus cher que mon BRAD PEAT (normal il a mon âge –NDLR-)!
Après les avoir tous goutés (mais je ne vous raconte pas !!!) nous sommes remontés dans notre FETTERCAIRN 50 ans (heu pardon Combi) et nous sommes repartis en direction d’Aberdeen vers de nouvelles aventures avec le souvenir d’une belle partie de pêche et d’une belle dégustation.
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