Pour vous faire découvrir ces deux "american whiskey", je ne vais pas vous conduire aux Etats-Unis mais je vais rester sur le vieux continent.
En effet, j'ai décidé de vous faire découvrir le plus français des whiskeys américains : TWO WORDLS WHISKEY.
Et je vais vous faire goûter les deux premiers batchs de cette jeune société récemment venue dans le monde des spiritueux :
LA VICTOIRE (BATCH 1 et le tout nouveau BATCH 2).
Vous allez dire, il se lance dans l'américan whiskey ? ou dans le bourbon ?
En fait, ceux qui me suivent depuis longtemps savent qu'il m'est déjà arrivé de faire des incartades dans le nouveau continents (voyez vous même ici) ? Mais je vous promets que PEATDREAM va rester PEATDREAM, on y reparlera vite de single malt et je ne vais pas changer de nom pour BOURBONDREAM ou d'AMERICAN DREAN (ah non ca ca existe déjà) !! Mais celui-ci m’a paru assez intéressant (et bon) pour que je vous en parle et que je vous fasse découvrir la société d’ASHLEY DONAHEY.
Cette aventure va être l'occasion de faire quelques rappels historiques sur le bourbon (et l'american whiskey) et surtout de voir le lien entre les dégustations d'aujourd'hui et ces distillats américains.
Je vous rassure de suite, nous allons déguster des distillats et pas que faire un cours d'histoire.
Mais avant tout, un bref rappel sur le bourbon et son histoire s’impose (et va expliquer beaucoup de choses).
Tout d’abord sachez que si on cherche la vraie source du bourbon, il faut pousser jusque dans…l’Allier ! Si si ! Pourquoi me direz-vous ? Tout simplement parceque c’est dans la ville de Bourbon-l’Archambault et sa région qu’est né la lignée des rois BOURBONS au milieu du 16ème siècle (le terme de Bourbon venant lui-même du celtes Borvo dieu guérisseur gaulois – NDLR-).
Deux siècles plus tard, au 18ème, alors qu’en France les Bourbons sont encore rois (et que l’on n’a pas encore coupé la tête à l’un d’eux), des colons anglais, écossais, irlandais, français et allemands partent à la conquête du nouveau monde.
La Louisiane (qui va à l’époque du golfe du Mexique au nord du Canada) devient un territoire français (la Nouvelle France). C’est d’ailleurs pour cela quand dans le centre des Etats-Unis, on retrouve encore de nos jours des villes avec des noms assez connus par chez-nous, comme Versailles, Nice, Marseille, Calais ou encore la Nouvelle Orléans !
Parmi les provinces de cette LOUISiane, on va retrouver notamment un comté nommé BOURBON dont le chef-lieu est la ville de PARIS (on ne l’invente pas). Cette région est agricole et on y produit du maïs. Comme les irlandais et les écossais ne sont pas renommés pour fabriquer que du pain avec les céréales, mais plus pour distiller ces dernières …. on va assez rapidement savoir quoi en faire.
Aussi, alors qu’en France on ne va pas tarder à couper la tête à un Bourbon (Louis XVI pour ne pas le nommer), il ne faut pas longtemps à des colons dénommés Elijah Craig, Jacob Spears ou encore William Downard (ancêtre d’Ashley qui nous intéresse aujourd’hui -NDLR-) pour se lancer dans la distillation et produire du whiskey !
Un demi-siècle plus tard (alors que la Louisiane a été vendue par Napoléon depuis une cinquantaine d’année) on met ce whiskey dans des fûts de chêne bousinés et pour rendre hommage à la région.
C'est la naissance du BOURBON WHISKEY !
Ça c’est pour la première partie de l’histoire du jour car hormis le terme d'american whiskey, cela n’explique pas pourquoi celui d’aujourd’hui, le TWO WORLDS WHISKEY est un distillat aux airs français !
Je continue (désolé).
Pour cela, il faut se tourner vers la guerre d’indépendance américaine en 1777/78 quand dans un grand élan de générosité, et au mépris de l’interdiction de son roi (décidément LOUIS XVI n’était pas respecté), le Marquis de Lafayette appareille LA VICTOIRE (on y arrive…) pour aller aider les troupes indépendantistes à se libérer du joug des anglais. 2 ans plus tard il a récidivé à bord de l'HERMIONE. L’histoire montre qu’il a réussi et c’est d’ailleurs pour cela qu’il est nommé « le héros des deux mondes (TWO WORLDS in english) » et qu’il fait partie des français les plus connus outre atlantique.
Voilà, le décor est posé et j’ai bien soif à force de parler ! Mais vous allez me dire le bourbon on comprend où il veut en venir, mais la guerre d’indépendance… Il ne va pas le goûter son whiskey ?? !!
Que nenni ! Sans la guerre d’indépendance finie grâce en partie à une ALLIANCE avec la France, pas de soldat comme William Downard qui se lance dans la distillation. Et ainsi pas d’envie pour sa descendance, Ashley Donahey, de saluer le lien qui uni la France et les Etats-Unis en proposant de faire découvrir un american whiskey spécialement réalisé pour le palais des français !
Car c’est cela qui a motivé l’ancienne Diplomate aux affaires étrangères venue du Kentucky d’abord à tout plaquer pour travailler comme ambassadrice des whiskies du vénérable John Glaser et pour ensuite se lancer dans la conception, en 2019, de whiskey haut de gamme pour les français. Mais comment faire pour « franciser » un bourbon (whiskey du Kentucky) sans lui enlever sa nature même de bourbon ?
Un rappel s’impose (encore un, après promis j’arrête et on les goûte) ! On appelle Bourbon un distillat produit avec 51 % minimum de maïs (le reste étant du seigle ou du blé) et vieilli dans un fût de chêne neuf bousiné (sans durée de vieillissement spécifique) sur le territoire américain. Et on appelle Straight Bourbon, un bourbon qui a passé au minimum 2 ans dans son fût.
Le cahier des charges américain est clair, si les trois éléments ne sont pas réunis (matière première, type et lieu de vieillissement), on ne peut pas appeler cela un Bourbon !
C'est pour cela que nous allons ici parler d'AMERICAN WHISKEY.
Les bases étant posées. Il restait à Ashley et son équipe 100 % féminine (Ashley Barnes, master-blendeuse et Monica Wolf découvreuse de fûts toutes deux fondatrices du cabinet de consulting The Spirit Group) à trouver des Straight bourbons dignes de ce nom. De plus, comme l’objectif était de proposer des americans whiskeys destinés aux français, il fallait développer le concept.
Dégustation LA VICTOIRE BATCH 1
Pour ce premier galop d’essai, produit en 2019, Ashley voulait, tout d’abord, sur une base 100 % straight bourbon, arriver à créer un "bourbon" pour les papilles françaises. Elle est ainsi partie d’une cheville centrale d’un majestueux Straight Bourbon de 14 ans (à noter car les "vieux" whiskey américains sont assez rares) à laquelle elle a mélangé un fruité 4 ans d'âge et enfin un moelleux 5 ans d'âge.
Comme l’objectif était de produire un bourbon pour les français, tout ce beau monde (11 fûts seulement) a été rapatrié dans la région de Cognac en France pour y être embouteillé à la force du fût (54,7 %) dans un peu plus de 2100 flacons. LA VICTOIRE (en référence au premier bateau de Lafayette) était né.
Vous allez me dire un embouteillage français ne va pas changer le goût même si le distillat est « papillairement » adapté, grâce à la connaissance d’Ashley des goûts de français et à l’expérience son équipe, mais c’est un premier pas vers « l’Alliance » de deux pays.
Bon c’est bien beau tout ça mais la dégustation de ce straight américan whiskey haut de gamme donne quoi ?
Ce distillat se pare d’une couleur ambre plus marquée que sur un américan whiskey habituel (certainement lié au 14 ans passés en fût pour son pivot central).
L’esprit prêt à sentir un bourbon est surpris car il n’en a pas directement l’odeur.
Au premier passage, il va révéler certes des notes bien caramélisées mais celles-ci vont plus s’assimiler à celles d’une banane flambée qu'a une orange. On détecte même un fond de tarte tatin. En persistant, on va ensuite relever la pointe d’orange habituelle sur la fin mais juste en prémisse au second nez beaucoup plus sur le bourbon.
Au second passage, donc, on arrive au straight bourbon plus habituel mais avec une certaine fraicheur (peut-être liée au degré du distillat qui titre 54,7 % alc quand même !).
Sur le troisième passage des épices (pointe de poivre et noix de muscade) surgissent avec des notes plus boisées qui viennent maintenir sa fraicheur.
Dans le creux de la main on note des notes très sucrées et une pointe de fumée.
De manière assez surprenante, il va lancer des effluves fraiches et boisées marquées avant même de rentrer dans la bouche.
Quand le liquide pénètre en bouche, il a le goût doux d’un caramel au beurre salé puis un goût d’orange. Progressivement l’orange prend de l’acidité et vire au citron.
Les aromes nous amènent ensuite sur des épices marquées qui viennent se coller à la langue. On peut lui trouver des notes boisées et un peu âpres liées à son long passage en fut neuf.
Ensuite le tout s’adoucie et on va se dirige vers le miel et des notes pâtissières.
Il fait preuve d’une belle maitrise de l’alcool, car, malgré ses plus de 54 % / vol, il n’est pas fort du tout et très régulier en bouche.
La finale longue est elle aussi boisée mais elle laisse une sensation de velours sur la langue. Elle laisse dans la gorge des effluves de réglisse qui relancent la fraicheur et qui sont assez surprenant pour un bourbon. Paradoxalement c’est à ce moment que l’alcool semble ressortir et vient endormir la bouche.
Dégustation LA VICTOIRE BATCH 2
Pour le second batch de LA VICTOIRE, Ashley à décidé de pousser plus avant l'expérience gustative et a choisi de donner encore plus une caractère d'exception à son américan whiskey.
Tout d'abord, on va retrouver ici un straight american whiskey "four grains" ! Il est en effet issu d'une distillation aux Etats Unis à partir de maïs (48 %), de blé (35 %), d'orge (9 %) et de seigle (8 %). Ce n'est donc pas un Bourbon (de peu 48 % !) mais bien un american whiskey.
Il a ensuite été vieilli dans des fûts entre cinq et onze ans aux Etats Unis dans des fûts de chêne américain neufs, puis mis en bouteille comme son prédécesseur dans la région de cognac après un voyage inverse de celui de la frégate de Lafayette. Et c'est le nombre de fûts retenus pour cette version qui va lui accroître le caractère d'exception. En effet ils n'ont été que 10 et ont limités le nombre de bouteilles à un peu moins 1000 (toutes numérotées).
Pour le batch 2, la raison écologique et le travail de diminution de l'emprunte carbone a poussé Ashley à choisir un coffret plus aéré que le premier opus. Il laisse voir une couleur de distillat être assez proche de celle du batch 1.
Mais la comparaison des deux batchs va s'arrêter là !
En effet, au nez, on va découvrir tout d'abord des notes marquées de fruits caramélisés, de toffees. Le nez va ensuite se rafraîchir sur des notes plus florales et enfin se charger d'épices avec des notes de cannelle et de poivre.
Au second passage les notes poivrées se dissipent et les arômes deviennent fruités sur l'abricot.
Au troisième passage les notes deviennent plus boisées et démasquent ses 57,5 % ABV. Ces notes sont furtives et les derniers arômes vont être plutôt doux, pâtissiers et chocolatés.
En bouche, comme un américan whiskey, il entre avec volupté et douceur.
Mais rapidement les arômes deviennent plus orangés puis citronnés et enfin épicés. Ils sont ensuite adoucis et les épices se font plus douces passant du poivre à la muscade. Cette atténuation se poursuit pour finir en notes sucrées et à nouveau douces ! Digne des voyages de Lafayette avec ses tempête et ses mers calmes.
La finale est longue avec tout d'abord des notes de noix caramélisées. Elle va ensuite laisser dans la gorge un mélange de doux de vanille et plus tendu de gingembre.
Ces deux premiers pas seront suivis par deux autres expériences afin de progressivement créée un vrai Bourbon "à la francaise "!
Tout d’abord, il est prévu de réaliser l’ALLIANCE, en important en France du Straight Bourbon ou du Rye déjà vieilli aux Etats-Unis afin de leur faire bénéficier d’un finish soit en fût de vin rouge (pour le premier) ou en fût de Calvados (pour le second).
Ensuite pour conclure l’expérience, il est prévu de produire l’HERMIONE (la frégate de Lafayette lors de son second voyage) en réalisant un vieillissement intégrale d’un « white dog » (qui est au bourbon ce que le "new make" est à un single malt) dans des fûts de chêne français neufs.
Notons ici qu'avec ces innovations on risque de faire perdre définitivement l’appellation bourbon ! Mais si le prix en vaut la chandelle... Qui sait peut-être que ces distillats donneront naissance à une nouvelle appellation ? « Alliance-whiskey », « franco-american whiskey » ou encore « french wood whiskey ».
TWO WORLDS a visé le haut de gamme (on est quand même sur une bouteille à un peu plus de 150 € !) mais il est à la hauteur. Il fait preuve d’une certaine complexité qui va le faire sortir du lot. On peut imaginer qu’avec une base déjà bien posée, il pourrait surprendre avec un passage en fut de vin (même si il doit y perdre une partie de son appellation).
Pour ce qui est du batch 2, si vous voulez faire partie de 1000 chanceux dégustateurs, il faudra directement vous rendre sur le site twoworldswhiskey.com !
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