Si vous allez faire un tour sur ma carte de France des distilleries que j’ai proposé il y a peu (voir ici) vous allez vite vous rendre compte que certains « nids » de production ressortent.
On va parler énormément du Bordelais, de l’Alsace, de la Bretagne… et vous allez également vous rendre compte qu’il existe des « zones quelque peu dépourvues » (comme le centre de la France par exemple).
Pour autant, il n’en reste pas moins que l’on peut y découvrir des passionnés de l’artisanat et des méthodes traditionnelles qui produisent des whiskies « made in France ».
Aussi, je vous propose d’aller faire un tour dans le Berry, à la découverte d’une brasserie-distillerie artisanale dénommée OUCHE NANON (en patois berrichon dans le texte puisque cela signifie le verger de Nanon, n° 27 sur la carte de votre serviteur), et d’aller y goûter les bons et bios “BERTHA THE GREAT” et « CARDONNACUM”.
Direction la place du marché d’un village berrichon d’à peine 700 âmes (dont la France regorge et qui fait son charme -ndlr-) situé à mi-chemin entre Nevers et Bourges : le bien nommé Ourouer-les-Bourdelins.
Arrivé sur place, difficile de passer à côté de la brasserie-distillerie où je me rends aujourd’hui à bord de mon fidèle BRAD PEAT. Elle est située en plein centre du village dans une maison typique du coin et est paré d’un grand panneau « OUCHE NANON – FABRICATION ARTISANALE DE BIERE ET DE WHISKY ». Si vous avez déjà eu une bouteille de OUCHE NANON en main, vous ne pourrez pas non plus louper le bâtiment car il est surmonté depuis de décennies d’une girouette en forme….de paon (emblème de la distillerie que l’on retrouve sur les bouteilles) !
C’est donc ici que j’ai rendez-vous avec un des sorciers-alchimistes (de ceux qui transforment l’orge en liquide doré) du Berry : THOMAS MOUSSEAU.
Ici « artisan » ça veut dire qu’on distille directement dans la boutique devant le client qui vient acheter sa bouteille de whisky et qui se désaltère en buvant une Bière FEROX IPA locale.
En entrant dans la-dite boutique et en disant bonjour à mon hôte, je remarque une certaine odeur de fumée !
Intrigué, je lui demande si le bâtiment n’est pas en train de bruler ? Il me rassure de suite en me disant que c’est juste son vieil alambic charentais (prénommé Petite Bertha) qui est train de travailler en repasse comme il le fait depuis 2015 dans ce bâtiment (et depuis 1932 dans une ancienne vie jurassienne).
Thomas m’explique qu’il est un fervent défenseur des traditions, qu’il ne cherche pas le volume mais la qualité. Il a choisi de chauffer sa « Bertha » au feu de bois (d’où l’odeur des lieux), ici même dans la boutique, en plein centre du village, pour donner une « pichenette » de grillé supplémentaire à ses distillat (devant l engouement des whiskies de la marque le gaz à depuis eu raison du feu de bois).
Notons qu’à notre époque, ses semblables auraient tendance à se compter sur les doigts d’une main ! Fier, il m’explique que je peux chercher, je ne trouverai pas l’ombre d’un composant électronique à proximité. Ici la distillation est synonyme de temps, de goût et de jugé (imaginez de mettre un GPS dans une traction…ce serait ridicule non ?).
Continuant le tour du propriétaire, Thomas m’amène dans l’arrière-boutique où il me présente la seconde Bertha "la grande" . Cet alambic est plus gros (1400 l contre 400 l) pour le précèdent mais aussi plus récent. C’est lui qui s’occupe de la première passe. Je vois également dans la pièce une partie des fûts qui renferment les distillats destinés aux prochaines productions (la seconde partie étant dans une mystérieuse cave humide du village).
Il m’explique que les murs de la maison du centre village n’étant pas extensibles, il dispose également d’un bâtiment en campagne où il a localisé toute son activité (historique) de brasserie (brassage, fermentation et mise en bouteille) . En effet, comme souvent, c’est par cette activité qu’il a commencée en 2010 en proposant des bières bios.
Il en profite d’ailleurs pour me dire qu’à l’instar de ses bières, son wash est lui aussi bio et qu’il s’attache tant qu’à faire ce peu d’avoir le circuit le plus court possible. Pour se faire, il utilise l’orge d’une ferme voisine, la fait brasser majoritairement chez Les Maltiers à Issoudun (à à peine 1 heure de route) et favorise la vente locale.
Quoi de mieux pour voir si le whisky bio est bon, que de le goûter ! Pour se faire nous retournons dans la boutique et non rapprochons du bar, sans perdre de vue l’alambic chauffé au bois qui demande un contrôle minutieux.
Thomas y a disposé les deux bouteilles que nous allons déguster aujourd’hui.
Dégustation "BERTHA THE GREAT"
Il commence par le « BERTHA THE GREAT » par lequel il rend hommage au vieux bonhomme de 90 ans qui chauffe juste à côté de nous.
Ce whisky qui se pare d’une belle couleur cuivre dorée, est bien entendu issu d’une orge bio.
Il a passé 3 ans des d’anciens fûts de bourbon (Old Forester) avant d’être transféré, d’abord pour 3 mois dans d’ex-futs de Madère, puis pour 3 autres mois dans d’ex-fûts de Pinot Noir.
A l’approche du verre on peut détecter des arômes de raisin et de bois.
Quand on plonge plus franchement le nez dans le verre pour la première fois il est très doux avec des arômes très fruit du verger (pommes et poire légère et pèche plus marquée)
mais avec une pointe de grillé de feu de cheminée en arrière-plan (peut-être l’effet Bertha ??)
Au second passage, il va se réchauffer et être plus porté sur les fruits rouges et va dégager quelques épices douces (pas trop présentes et bien maitrisées).
Au troisième passage, il s’arrondit encore et perd en puissance au profit d’arômes beurrés d’un gâteau berrichon cuit au feu de bois.
L’odeur de fumée est plus présente dans le creux de la main, mais elle disparait assez rapidement
En bouche, il est discret en entrée, puis il va être clairement porté sur des notes sucrées et grillées. Après quelques secondes on détecte des épices qui s’étalent
tranquillement dans la bouche (sans violence).
Par la suite quelque notes âpres fût de vin font une timide apparition. On détecte également un arôme grillé léger. Le tout s’arrondit ensuite pour laisser la place à des notes de miel sur la
fin.
En descente, il lâche un arôme de raisin et fini sur une longue période de boisé et de fumée.
Le verre vide est clairement sur une grange à foin mais qui sert à conserver des fûts de vin.
Dégustation CARDONNACUM
Le second whisky qu’il me propose, le « CARDONNACUM », est lui un enfant du Berry qui a une couleur dorée un peu plus claire.
Comme son confrère il est issue de malt bio. Il a commencé lui aussi son vieillissement en ex-fût de bourbon (mais 3 et 4 ans) avant d’être transféré en fût de Chardonnay (et comme tout le monde le sait Chardonnay vient du Latin Cardonnacum –« là où poussent les chardons » - enfin !!).
L’approche du verre est portée sur le sucre et annonce une dégustation certainement douce (alors qu’il titre 45,5 % d’alcool contre 42,6 % pour le précédent). Un bonbon au miel.
Le premier passage du nez va découvrir une poire bien mure, des épices comme le gingembre plus présentes et une pointe d’amande amer en arrière-plan.
Le second passage va renforcer son aspect sucré et va venir également apporter des notes de chocolat au lait. On pourrait peut-être reconnaitre le côté pâtissier du chardonnay.
Le troisième passage sera plus boisé mais en version résine de pin. Il fera également ressortir des notes poivrées. D’ailleurs, un fois sorti du verre, le nez conserve le souvenir du pin.
En bouche, on va de suite avoir un mélange de sucre et de vivacité. Des notes boisées du fut de vin sont assez remarquables. Il va ensuite s’adoucir et se charger en sucre mais également en parallèle d’épices qui « chatouillent » le bout de la langue et le fond du palais. Par la suite, gardant son côté boisé il va néanmoins s’adoucir et devenir plus mielleux et presque coco.
A la descente les notes boisées et un peu âpres restent un long moment dans la gorge et y laissent trainer un bâton de réglisse.
Dans le verre vide ce sont les épices qui dominent d’abord avant de passer la main à des notes citronnées le tout en se mélangeant avec le foin. Pendant ce temps les épices restent bien accrochées au palais.
Une fois la dégustation terminée, Thomas me dit de prendre date car tous les ans en décembre, le village de Ourouer-les-Bourdelins s’agite pour la sortie du LOST BARREL, le single-cask annuel de la Distillerie.
Et de m’annoncer que celui de l’année 2022 sera tourbé (my name is Peatdream !!) et après avoir passé 3 ans en fûts de bourbon est en train de dormir dans une barrique de pinot noir de sancerre rebrulée et ayant déjà vieillie une eau de vie de prune maison !
De quoi éveiller une certaine curiosité non ? Rendez-vous dans le Berry en décembre !
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