Me voici reparti sur les routes françaises à bord de mon fidèle BRAD-PEAT. Cette fois-ci, je prends la direction du Nord !
Qu’on se le dise, l’idée d’une région où il pleut tout le temps est surfaite ! Il y fait également très beau. D’ailleurs, c’est pour cela qu’on va y trouver des champs d’orge. Et avec l’orge on fait quoi ? Bien évidemment de la bière et du whisky !
Pour le prouver, aujourd’hui, je vais vous amener chez TOS distillerie (N° 8 sur la carte de votre serviteur) par qui une grande partie de la future histoire du whisky du Nord (ainsi que du genièvre et du gin) est en train de s’écrire.
L’occasion également de vous faire découvrir deux des productions de la distillerie TOS qui gardent encore l’appellation « pur malt » (malgré les 3 ans révolus qui lui confère l'appellation officielle de single malt) ARTESIA VIEILLI EN FUT DE CHENE et ARTESIA SHERRY CASK.
Le fin nez de mon van (habitué à dénicher les distilleries françaises) me conduit à Aix-Noulette dans la banlieue de Lens.
En plein revival musical nostalgique de ce dernier (je laisse toujours choisir la musique en lien avec ma découverte), c’est au son de la chanson « Break on through (to the other side)" des Doors, peut-être prémonitoire, que j’arrive sur place. Et c’est ici en plein centre de ce village de 4 000 habitants que je fais halte devant….une brasserie !
Non je ne me suis pas trompé et c’est bien ici que j’ai rendez-vous à la Brasserie avec Stéphane, un passionné de whisky et d’histoire industrielle du Nord.
Sur place et une fois fait sa connaissance, sans plus attendre, je lui fais part de mon étonnement car il n’est nulle-part fait mention de TOS distillerie mais plutôt d’une certaine « PAGE 24 » !
Alors que nous ne sommes pas encore entrés dans le bâtiment, Stéphane (Bogaert) me fait un résumé de l’histoire de la déjà chevronnée brasserie et de la plus jeune distillerie.
Il me raconte que c’est en 2003, en bon « nordiste » amateur de bière et accompagné de son frère Vincent et d’un ami Hervé Descamp, qu’il a créé la Brasserie Saint Germain.
L’objectif initial, qui en disait déjà long sur la philosophie de la maison, était de redonner vie à un fleuron local disparu (la brasserie BRASME fermée en 1986), redynamiser le village (dont Germain est le saint patron), utiliser de l’orge et le houblon local (déjà) et surtout faire de la bonne bière !
L'aventure a l'air d'avoir été assez réussie quand on voit, le nombre de bières produites et les médailles glanées au concours général agricole. Mais nous ne sommes pas là pour parler bière, mais whisky. Si cela vous intéresse je vous conseille d’aller faire un tour sur le site de la brasserie ici Page 24.
Juste pour les plus curieux (comme moi) pourquoi le nom Page 24 ? Il fait référence à Sainte Hildegarde von Bingen (la fameuse Hildegarde Blonde) qui rédigea au XIIème siècle un traité sur la bière. Selon la légende, la page n°24, avec les secrets de fabrication des bières, aurait disparu (peut-être est-il caché dans la brasserie ?? à vous de le découvrir).
En entrant dans le bâtiment (en briques rouges bien entendu, c’est le nord quand même), alors que je peux voir que mon van avait de la concurrence en la personne d'un vieux camion Hotchkiss, Stéphane m'explique comment la brasserie a su se développer durant ses 20 ans d’existence. Elle est désormais équipée de 17 fermenteurs et produit une bonne quantité de bière. Néanmoins, il me dit que bien que membre fondateur, il avait, déjà à l’époque une autre idée : faire du whisky (nous y voilà) !
Aussi, en 2017, il entraîne ses 3 compères et Katy Gravina (sa compagne) dans une nouvelle aventure. Celle de la distillerie TOS.
Mais pourquoi TOS ? Simplement, il me dit qu’à l’époque, il voulait séparer les deux activités (même si une dépent de l’autre) et placer la distillerie de l’autre côté de la rue « The Other Side » (j’ai repensé alors à la chanson choisie par BRAD-PEAT en arrivant !!! j’adore mon van) et que le nom était venu de lui-même !
Néanmoins, ce n’est pas de l’autre côté de la brasserie que nous allions mais bien à l’intérieur.
Passant la salle, j’ai enfin compris que j’étais bien à la distillerie en voyant l’alambic Holstein sur lequel s’affairait Katy (responsable de la distillation). J’ai également pu voir que la place était comptée et qu’on la jouait serré ici car il y avait également des fûts.
Katy m’explique alors que, grâce à la colonne de rectification dont est équipé l’alambic, il est possible de sortir directement en une seule passe, un distillat à 77 % d’alcool directement utilisable. Si Michel Audiard était encore de ce monde, il aurait dit « une magicienne la Katy »!
C’est là que Stéphane me raconte l’aventure depuis la création de la distillerie. Comme l’idée d’origine était de faire du whisky, fin 2017, c’est bien du pur malt qui a été produit (4 tonneaux) à partir du brassin Hildegarde blonde de la brasserie.
L’affaire semblant concluante, en 2018 ce sont déjà 82 tonneaux qui sont remplis.
Toujours en quête du terroir local, entre deux batchs de malt, l’équipe se lance dans la production de gin et la renaissance du genièvre local.
Stéphane me dit ainsi, que la prolixe seconde année d’existence de la distillerie TOS a vu la naissance d’HUMULUS (l’eau de vie de bière), de BOUTEFEU (le genièvre) et de GOHELLE (le gin). Les bases de TOS étaient posées et une production régulière lancée.
Il continue et bascule directement en 2020, année de naissance d’ARTESIA (qui va nous intéresser aujourd’hui) le whisky (enfin encore pur malt à cause de 3 ans nécessaires).
Vous me connaissez, de suite je lui demande pourquoi ARTESIA. Là Stéphane me dit simplement que nous sommes en Artois et que du temps de romains, l’Artois se disait Artésia (par Toutatis).
Continuant notre découverte de TOS, Stéphane m’a ensuite conduit à la « chambre chaude » de la brasserie (vous savez celle qui choie les levures de la bière) pour m’y montrer une partie des fûts de vieillissement du whisky. J’ai pu y découvrir des fûts de Bourbon (floqué de l’écusson Jim Beam ou du bison Buffalo Trace), mais également des fûts de porto ou encore des fûts de sherry. Il m’explique ensuite qu’une seconde partie des fûts se trouve à la distillerie de… Wambrechies (plus au Nord entre Lille et Roubaix - n° 9 sur la carte de votre serviteur) ?
Vous pensez bien, qu’hormis un problème de place manifeste, il n’en fallait pas plus pour que je veuille savoir pourquoi les fûts étaient envoyés là-bas.
En revenant dans la salle principale de la brasserie pour les dégustations, Stéphane m’a fait part du lien plus qu’étroit (car financier) qui réunissait les deux distilleries alto-françaises.
Il me dit qu’en 2019, la distillerie Claeyssens de Wambrechies était à vendre et que les 4 associés refusant qu’elle sorte du giron nordiste se sont décidés à la racheter et à la filialiser. Ils venaient de devenir propriétaire d’une seconde distillerie, de place pour leur fûts mais surtout usufruitiers de bâtiments et de machines industrielles classés. De quoi avoir, pour Wambrechies un lieu de production et une visibilité commerciale et touristique digne de ce nom.
Mais également de quoi freiner ou ajourner certains projets sur la structure TOS comme s’installer de l’autre côté de la rue par exemple !
Il continue à me dire ensuite que depuis 2022, il a vendu ses parts dans la brasserie (Hervé Descamps faisant de même) et se consacre au développement des deux distilleries. Une fois la distillerie Lilloise équipée d’un nouvel alambic et de nouveau matériel, le projet de création d’un nouveau local artésien (pour la distillerie TOS) redevient d’actualité.
C’est derrière le bar de la brasserie, que Stéphane se dirige enfin pour la dégustation du pur malt original et celui vieilli en fût de sherry.
Il en profite pour me rappeler que si la gamme de la TOS distillerie se compose bien entendu des pur malts vieillis en fûts de chêne et en fûts de sherry (objet de la dégustation du jour), mais qu'il faut également compter sur une édition limitée en fût de porto, une eau de vie de Bière (HUMULUS) et un ARTESIA rye (composé à 60 % de seigle).
Il me dit également qu'il connait mon appétence pour la tourbe et qu'il nous prépare un petit dernier né tourbé.
Mais trêves de " carabistoulles", comme on dit par ici, et passons aux dégustations.
DEGUSTATION DE L'ARTESIA VIEILLI EN FUT DE CHENE
Commençons par le commencement.
Comment mieux découvrir un distillat qu'en le goûtant dans son "plus simple appareil" à savoir vieilli en fûts de chêne ayant contenus du bourbon et en fûts de chêne vierge français ? Celui que me propose Stéphane est le batch 7.
Le liquide qui coule dans mon verre est digne d'un whisky vieilli en fût de bourbon plutôt couleur or. Néanmoins, l'or de sa robe est un peu plus marqué qu'à l'habitude (certainement l'impact du chêne neuf).
Le premier nez nous love directement dans un flan à la vanille. Néanmoins comme le cht'i est taquin, il y aura glissé quelques grains de poivre pour éviter de s’y endormir.
Le second passage va s’intensifier avec des notes plus fraiches et plus marquées d’ananas et de gingembre.
Le troisième passage se rafraichi encore avec des notes florales mais il conserve les pointes d’épices du début.
L’entrée en bouche est sucrée à souhait.
Très vite on note des frêles notes boisées arrivent mais elles sont balayées par les notes poivrées qui nous avaient été annoncées au nez. Elles viennent piquer délicieusement la langue.
Par la suite elle se dissipent et le distillat devient bien moelleux. Il laisse alors ressortir des notes d’orge et de vanille.
Quand il descend, il a un sursaut d’épices, mais il laisse dans la gorge et la bouche des notes plus citronnées et fraiches.
DEGUSTATION DE L'ARTESIA LIMITED EDITION SHERRY
La couleur de ce deuxième distillat est assez nettement plus marquée sur le marron orangé.
En effet, le distillat de l'édition limitée sherry a connu un vieillissement initial en fûts de chêne neuf mais surtout un finish en fût de sherry ce qui le fonce inexorablement.
Le premier nez s'ouvre sur des notes intenses de fruits mûrs (cerise, prune) qui marque de suite l impact sherry.
Au second passage, on va détecter des notes de chocolat et d'épices.
Au troisième passage, il révèle plus d'agrumes qui rafraîchissent l'ambiance et font ressortir les notes boisées.
L'entrée en bouche est intense et fruitée. On détecte des notes biscuitées avec des épices comme la cannelle ou le curry et du miel surmontées de l'ampleur du fruit rouge.
Le voyage se termine sur des notes de raisin sec.
La finale est longue et savoureuse avec un mélange de fruits rouges et de notes épicées
Quand on pense que ce ne sont que des whiskies assez jeunes, on se prends à rêver à de belles choses comme, une version porto blanc pour cette année et une version tourbée (peut-être en 2024). Qui sait peut-être verra-t-on plus tard un assemblage "cht'ivisky" entre les deux distilleries ??
En tout cas on sera là pour la suite de l'aventure notamment dans la future nouvelle distillerie artésienne.
C'est sur ces mots et à regret que je prends congés de Stéphane et Cathy (et à Anaïs sans qui vous n'en sauriez pas autant à la fin de cet article) et je repars pour de nouvelles aventures sur les routes de France et de Navarre à bord de mon "bolide" !
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Greg's Whisky Guide (dimanche, 18 juin 2023 11:31)
Bravo pour cet article très intéressant sur une belle distillerie avec un fort potentiel à mon avis !
Grégoire