DISTILLERIE BOANN et WHISTLER

Nous partageons quelques anecdotes et parlons de Nicolas CAUCHOIS (de DISTILL SPIRIT qui distribue la marque en France et qui nous a fait connaitre) avant de quitter l'atmosphère chaleureuse du pub.

Mon cher "BradPeat", nous attend sagement à l'angle de la rue le long de la Liffey. Ludo prend place à côté de moi, et nous nous mettons en route vers Drogheda, où se trouve la distillerie BOANN, nichée au cœur de la Boyne Valley.

Sur le chemin, Ludo m'en dit plus sur cette distillerie familiale.

Il m’explique que les dirigeants Patrick et Marie Cooney ont toujours rêvé de fabriquer et distiller leur propre whiskey irlandais. 

L’histoire a réellement commencé en 1974 quand Patrick Cooney et son frère Nicholas ont racheté la société Gleeson (fabricant de boissons gazeuses et un embouteilleur de stout) avant de la revendre plus tard. C’est avec une expérience de plus de 40 ans dans l'industrie des boissons irlandaises et avec leurs 5 enfants (Sally-Anne, Celestine, Peter, Patrick et James), qu’en 2015, ils ont fondé la distillerie Boann.

En entrant dans le comté de Louth, Ludo m’explique avec enthousiasme la légende de la déesse Boann dont la distillerie tire son nom.

Boann est la déesse irlandaise de la rivière Boyne de la province de Leinster. Selon la légende, elle était également l’épouse de Nechtan, personnage très puissant qui régnait sur de vastes étendues de terres et en particulier sur l’ancien puit de Segais (puis dont les eaux cristallines étaient magiques et permettaient d’avoir la connaissance).

La légende dit qu’un jour, la déesse Boann se promenait avec Dabilla (son chien-loup) et, bien que son mari l’interdise, s’est approché de l’ancien puit. Elle a défié la puissance de son mari et s'y est penché ce qui a eu pour conséquences de faire monter violemment les eaux (créant par la même la rivière Boyne).

La légende dit également que dans cette catastrophe, elle a été emportée par les eaux tumultueuses et a perdu un bras, une jambe et un œil (rien que ça !) et, finalement, la vie.

La rivière Boyne est depuis connue pour son importance historique dans la culture irlandaise et pour ses vertus mystiques. Et nous concernant c’est avec ses eaux que la distillerie produit son whiskey.

En approchant de Drogheda, Ludo m’explique le choix de localiser la distillerie dans la ville n'est pas le fruit du hasard mais plutôt parce que la ville est chargée de l’histoire du whiskey irlandais.

En effet, il m’explique tout d’abord que l’une des premières traces écrites de la production de whiskey en Irlande apparaît dans l’acte du Parlement de Drogheda en 1556.

Il me raconte ensuite qu’en 1774, Drogheda n’abritait pas moins de dix-huit distilleries mais aussi que leur nombre a ensuite décliné lentement pour ne plus en compter qu’une en 1822. Il m’explique également que les murs de cette dernière (fermée en 1850) ont abrité une société de cautionnement de whisky en 1886 liant peu à peu au fil des mariages la ville de Drogheda à Bow street (à Dublin) et à la célèbre marque Jameson.

Enfin, il m’explique qu'en 1812, c'est dans la ville de Drogheda qu’a officié comme sous-commissaire des accises et taxes intérieures le célèbre Aeneas Coffey, rendu célèbre par son invention de l’alambic Coffey du même nom que l’on retrouve souvent…en Ecosse.

Il n’en fallait pas moins pour qu’après 160 ans, la famille Cooney ne s’installe ici et ouvre une distillerie en 2015.

Aeneas Coffey et son fameux alambic

Après environ une heure de route, nous arrivons sur Platin Road à Drogheda devant Boann Distillery et son architecture moderne qui contraste harmonieusement avec le paysage historique de la vallée de la Boyne et les champs environnants.

Ludo me fait visiter les lieux, du hall d'entrée majestueux à la salle de dégustation sophistiquées baignée désormais par le lever de soleil de la mer d’Irlande. Je suis frappé par l'équilibre entre tradition et modernité, la passion palpable à chaque étape de la production.

Au loin, j’entends un sifflement qui m’interroge. Il m’explique que ce n’est autre que Patrick Cooney qui est dans son bureau et qui s’exerce à cet art ou il excelle.

En nous rendant au fond de la grande salle vers les alambics, mon hôte m’explique que la distillerie BOANN est fière de faire partie des membres « d’Origin Green » grâce aux engagements concrets qu’elle a pris pour devenir un producteur plus durable. Chaque ingrédient brut est 100% naturel et local. Chaque goutte d’eau provient de la vallée de la Boyne. Elle exploite même un système en boucle fermée pour l’eau, en recyclant toute l’eau consommée et en maximisant la récupération d’énergie.

Difficile de louper les 3 bébés dodus en cuivre reflétant le soleil irlandais qui trônent au fonds de la salle à la vue de tous. Les alambics pot still de la maison. Avant de m’en parler Ludo me fait remarquer le petit frère qui les précède et qui produit le gin de la maison.

Il me dit de regarder vers le haut de noter le long tube qui relie le col de cygne et le condenseur. Il m’explique qu’il abrite une des spécificités mondiales de la distillerie : la haute technologie et même la nanotechnologie.

Déjà Ludo m’explique que le système de brassage de la distillerie Boann est unique car il est conçu pour produire de l'alcool à partir de grains maltés et non maltés (du pot still) en une seule fois. En effet, avec un récipient de conversion de moût, associé à une cuve Full Lauter, les brasseurs contrôlent précisément les températures pour activer les enzymes naturelles et optimisent le processus de fermentation.

Ce système innovant rend la distillerie Boann particulièrement efficace et capable de produire des spiritueux d'alambic à pot unique de haute qualité.

Il m’explique également que la distillerie Boann innove en utilisant un revêtement nanocristallin dans les bras lyne de leurs alambics (les fameux tubes) pour augmenter le contact avec le cuivre. Cette technologie améliore la purification des spiritueux en éliminant plus efficacement les composés soufrés indésirables. Cette technologie a déjà prouvé son efficacité dans d'autres distilleries à travers le monde mais Boann est la première distillerie irlandaise à adopter cette technique, visant à produire des spiritueux plus purs et de meilleure qualité.

Nous finissons enfin la visite de la distillerie par le chai de garde où dorment des fûts de bourbon mais également un grand nombre de fûts espagnols de Pédro Ximenes, portugais de Madère ou encore italiens de Marsala.

Nous revenons ensuite vers la salle de dégustation où, désormais devant un soleil radieux, nous attend une large dégustation de BOANN mais également de THE WHISTLER.

Commençons la découverte des whiskeys BOANN par le travail du maitre de chais sur la base de vin portugais : MADERE

Le Single Pot Still produit à partir d'orge maltée, d'orge non maltée, d'avoine et de seigle a été élevé dans d'anciens fûts de bourbon en chêne américain carbonisés de la célèbre société Brown Forman.

Il a ensuite été glissé dans des fûts de madère de la maison Justino's (fûts de Tinta Negro, Boal et Sercial) de 350 litres. Ludo me dit qu’avant de contenir le whiskey, les fûts portugais ont subi un processus de vieillissement dit de canteiro (vieillissement du vin en barrique à des températures élevées dans la salle de stockage des barriques pour reproduire le vieillissement maritime des galions portugais de l'époque médiévale lors des voyages en mer).

Au nez, ce premier single pot still nous amène tout d’abord dans un verger avec des arômes doux de pêches mures.

Le second passage est lui plus marqué par une odeur de pomme cuite caramélisée au miel et piquées d’épices douces qui lui donnent une certaine fraicheur mais également un certain moelleux.

Le troisième passage sera plus positionné sur des notes d’orge et bois brulé qui viennent réchauffer l'ambiance avec un fond vanillé. 

En bouche il est assez moelleux en entrée. On détecte tout d'abord des notes d'amande avant de passer assez rapidement sur des notes épicées, sucrées et même chocolatées. Il montre ensuite des notes fraiches et boisées avec une remontée des notes vineuses du fût de vin portugais.

La finale  est longue avec des notes vineuses et légèrement épicées sur la réglisse et un fond citronné.

L’intérêt de la version MARSALA du whiskey de BOANN va être ici de montrer l’impact du changement de type de fût pour la fin du vieillissement des single pot still de la maison.

En effet, le distillat et le vieillissement primaire est le même que pour le fut de Madère. Ce n’est qu’ensuite qu’en collaboration avec la maison de Marsala, Cantine de Vinci, que la distillerie a sélectionné des fûts de Marsala Superiore et Fine en chêne français.

Le nez de ce second whiskey va être plus rond que le précédent. Il révèle des notes directement plus boisées avec un fond d'encaustique.

Le second passage part plus sur la marmelade légèrement amère qui aurait un peu accroché au fond du chaudron.

Le troisième passage est lui sur de notes de miel d'acacia et un fonds d'épices très discrètes

La bouche est plus épaisse que le précédent. Les épices arrivent beaucoup plus tardivement et de manière retenue mais apportent une pointe d'amertume. Celle-ci se calme ensuite et ressent une certaine sensation de velours doux sur la langue. Ce n'est qu'à la fin qu'on retrouve un retour des épices mais toujours sur la retenue.

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La finale reste elle sur les notes d'épices douces, cannelle, clou de girofle et réglisse.

Pour le 3ème whiskey de la maison BOANN, l’approche et légèrement différente. Si le distillat de base est toujours un pot still constitué d’orge maltée, d’orge non maltée, d’avoine et de seigle, son vieillissement va ici être intégralement réalisé en fut de sherry.

En effet, il commence son vieillissement commence dans des fûts hogsheads de 250 litres d’Oloroso venus de de la Bodegas Garvey's de Jerez da la Frontera. Le distillat a ensuite été glissé dans gros fûts de 500 litres de PX venant d’une vieille solera à Malaga et imbibés du sucre et des arômes du vin espagnol.

Pour terminer le distillar a fini sa course en fûts de sherry Oloroso solera.

Ce vieillissement global fait de ce whiskey, un single pot still intégralement vieilli en sherry et lui donne une teinte or plus marquée que les deux autres.

Le nez de ce vieillissement en Pédro ximenes est beaucoup plus rond. On a d'ailleurs du mal à imaginer ici un whiskey. Il revèle des notes chaude de fruits rouge et de raisin sec.

Au second passage arrivent de notes de bonbon à la fraise et même de malabar.

Le troisième passage revient sur des odeurs plus habituelles de caramel de cuir tanné.

La bouche est onctueuse et moelleuse. Elle est d'abord chaude et sucrée puis part ensuite vers un gout plus épicé et tendu. On va ici enfin retrouver des notes "pot still" plus fraiches. IL finit sa course sur des épices plus marquées sur le poivre.

La finale est plus longue que les deux autres production sur des notes de caramel aux épices et des agrumes.

Ce sera mon préféré !

En marge de ses single pot still, la distillerie BOANN propose des blends, des single grains ou encore des single malts sous sa marque THE WHISTLER. 

A l’inverse des single pot still de la marque BOANN, la distillerie propose également des BLENDED IRISH WHISKEY produits à partir d’orge maltée et de single grain.

Le DOUBLE OAK est lui proposé à partir d’une répartition 20%/80 % de ces deux ingrédients. Le single malt est ensuite vieilli en ex-fut de sherry oloroso alors que single grain est vieilli en en fûts de bourbon. Un fois assemblé, les deux distillats finissent leur course pendant 6 mois en fûts de sherry Oloroso.

Ce vieillissement le teinte légèrement mais lui laisse une teinte or moins prononcée que dans le vieillissement full sherry du BOANN.

En toute logique, étant ici sur un blended whiskey on va ici retrouver, au nez, des notes ronde est bien marquée. Le premier passage est sucré et vanillé sur le caramel mou. On sentirait presque un fond de mélasse.

Le second passage est un mélange à la fois boisé et terreuse et agrume qui apporte des notes plus fraiches.

Le troisième passage nous mène sur le miel et la fleur qui est à la base de ce dernier.

La bouche est très douce sur des notes de miel et de vanille. On détecte ensuite un sursaut d'épice et d'amertume qui viennent réveiller les papilles en train de se lover dans les notes douces de l'entrée en bouche.

La finale est longue avec des notes de miel mais également de citron.

On va retrouver également chez BOANN des single malt (100 % orge maltée).

Le WHISTLER PX I LOVE YOU en est un bon exemple. Il est donc produit sur la base d’orge maltée et est ensuite glissé dans des futs de bourbon. Il est ensuite glissé pour 9 mois en ex fûts du sucré Pedro Ximenes.

Au nez on comprend assez vite le pourquoi du nom de ce single malt. Il exacerbe ce qu'on cherche avec un vieillissement xeres. Chaleur et sucre. On détecte clairement les notes sucrées, boisées et fruits rouges du Pédro Ximenes.

Au second passage on lui trouvera des notes de kumquat bien mur accompagnées de notes d'épices douces qui s'amplifient en laissant le nez dans le verre.

Le troisième passage s'assagi et revient vers de notes plus familières de marmelade d'orange.

En bouche, il est doux et même très sucré en entrée, mais devient très vite tendue boisé avec un fond médicinale. Il s'adoucie ensuite et devient moelleux sur des notes de fruits et de miel. Sur la fin on peut lui trouver des notes de cuir et de noix fraiche qui viennent assécher la bouche.  

La finale est plus courte que les précédents et laisse en bouche de note velours de fruits à coque en dans la gorge des notes plus sèches.

Pour terminer Ludo me fait goûter une dernière réalisation originale de la maison un travers d’un exemple de cask finish proposé par THE WHISTLER : le finish en fût de bière.

Ici, le distillat composé de pot still et de single grain est glissé pendant 4 ans des d’ex fûts de bourbon avant d’être transféré dans d’anciens fûts BOANN assaisonnés à la bière stout.

En effet, la distillerie travaille ici avec la Brasserie Boyne Brewhouse située dans la même ville, en lui fournissant des fûts de Single Malt Whistler de 7 ans d'âge et la chargeant de les remplir de son Imperial Stout.

Cette dernière dégustation l'impacte assez marqué du choix de fûts sur les distillats de la distillerie BOANN. 

Avec un fût de stout, le nez se pare de note très marquées de fruits, de cacao et même de café torréfié.

Le second passage s'oublie un peu en étant moins marqué mais il révèle des notes d'épices.

Le troisième passage est lui aussi discret et retourne sur des notes de chocolat.

En bouche, on détectera plus de notes boisées que sucrées. On peut assez facilement retrouver la douce amertume et presque la texture en bouche d'un mousse de stout mais sur un fond de caramel et quelques notes d'agrumes. 

Comme dominée par la bière, la finale sera un mélange de moelleux et de légère amertume d'une stout.

C'est sur ces notes de stout que se termine ma rencontre avec Ludo. Je le laisse avec regret dans sa belle distillerie moderne et repart à travers champs vers de nouvelles découvertes irlandaises.

Si vous souhaitez plus d'informations sur la distillerie et voulez même aller faire de belles découvertes (car je suis loin de vous avoir fait gouter toutes les production de THE WHISTLER), n'hésitez pas à aller chercher des informations par le biais de la carte d'Irlande que je vous propose dans ces pages (vous y trouverez bien entendu BOANN mais également un foisonnement d'autres distilleries).