Une alerte avait déjà sonné en 2022 quand la famille LE LAY, venue de Bretagne avait proposé un GRAAL âgé de 21 ans (que j’avais eu la chance de vous faire goûter ici), mais il était issu d’une série très limitée et personne n’avait vraiment suivi en termes de vieux whisky.

Mais en 2024, l’affaire a été autre avec l’arrivée sur le marché de whiskies avec des comptes d’âge désormais important : Brasserie Michard à Limoges et Warenghem à Lannion avec deux honorables 15 ans d’âge et la Grande Distillerie Peureux de Fougerole avec un 17 ans (que je vous présenterai très vite). On peut ici également évoquer le magnifique Tempus Vitae de 18 ans (en ex-fût de sauternes) proposé en série plus que limitée par la distillerie de Rozelieures (10 exemplaires seulement).

Pour vous parler de celui qui aura conclu cette année 2024 avec le brio de ses 21 ans, il m’a paru tout à fait normal que je vous en propose une dégustation dans l’écrin du Peat-Easy installé confortablement dans mon fauteuil club.

Alors quid de BM SIGNATURE ?

Bruno Mangin l'unique

BM Signature trouve ses origines dans des créations artisanales produites par Bruno Mangin en 1994 à Bletterans dans le Jura.

Le singulier, passionné et visionnaire Bruno Mangin a commencé sa carrière en créant des bières, animé par une idée folle : fonder une brasserie artisanale à une époque où la bière n'était pas encore à la mode et a réussi à mettre en place un circuit d'approvisionnement en orge locale et à créer des produits qui reflètent le terroir jurassien. 

Alambic Blavier de la Brulerie de Revermont

En 1999, il s’est tourné vers les spiritueux et a pu proposer ses premiers distillats en 2003. La distillerie ROUGET DE l’ISLE ne produisait pas encore, mais Bruno augmente la cadence à partir de 2006 en faisant distiller ses brassins à la Brulerie de Revermont (dans le désormais mythique alambic Blavier qui se distinguent par une colonne de rectification complexe qui permet de mieux séparer les différentes fractions de la vapeur d'alcool, conduisant à un produit final plus pur et plus raffiné). C’est à partir de 2012, que la production est sortie de l’alambic armagnaçais de la brasserie.

Son savoir-faire et son engagement pour les produits locaux ont fait, à partir de 2016, de BM SIGNATURE une marque respectée dans le monde des spiritueux.

Alambic armagnaçais de la brasserie Rouget de l'Isle

Cette brasserie-distillerie produit des whiskies (et des vodkas et gins) issus d'un affinage patient en fûts de chêne ayant contenu des vins du Jura. J’avais eu l’occasion de vous faire découvrir le trouble PUR MALT FUT DE MACVIN (ici).

L’année 2024 est une véritable année charnière paradoxale pour les productions de Bruno Mangin et la distillerie ROUGET DE L’ISLE.

Depuis février, volontairement (après une diminution progressive depuis 2021 pour des raisons personnelles), plus une goute ne sort de l’alambic armagnaçais de la distillerie de Bletterans (l’alambic ayant même été vendu). Pour autant, les stocks accumulés par la marque ont permis de proposer une véritable gamme avec des comptes d’âge sous la marque BM SIGNATURE (qu’elle propose depuis 2016) :

- BM Signature 5 ans (vieilli en ex-fût de bière Rouget de Lisle et de vin français dont du Macvin, du Vin Jaune et du vin de Paille pendant 5 ans) ;

- BM Signature 8 ans (vieilli en ex-fût de vin français jurassiens pendant 8 ans) ;

- BM Signature 12 ans (vieilli en ex-fût de vin français du Jura pendant 12 ans) ;

- BM Signature 15 ans (rougie par 15 ans passés en fûts de vin du Jura).

Le BM 21 Ans est donc le plus vieux whisky français à ce jour.

Il a été distillé en 2003 dans le fameux alambic Blavier dans les murs de la BRULERIE DE REVERMONT et à ensuite passé ses 21 ans de repos en fûts de vin jaune tout d’abord en chai humide puis en chai sec.

Et de ces fûts, en 2024, il n’en reste que 4 et celui qui a été choisi a le numéro 009 (ce qui veux dire qu’il en reste 3 pour plus tard –NDLR-) et il a permis d’embouteiller 168 flacons et de proposer une série limitée en single cask ! 

C'est ce fût 009 qui l'a marqué de son sceau et lui donne une couleur acajou intense.

Au nez, l’âge canonique pour un whisky français de ce 21 ans ressort de suite avec des notes de ranciotées et sucrées.

Au second passage on lui détecte des notes de crème brûlée juste sortie du four accompagnée de notes de caramel. Quelques épices arrivent à s’échapper timidement du verre

Le troisième passage est plus dominé par la présence de fruits à coque comme la noisette mais surtout la noix dont on sent les huiles épaisses. On finit le voyage par une odeur de bois brulé et de chocolat au lait.

Un petit bonbon

A l’aération, le distillat prend des notes plus marquées d'écorces d'oranges et de fruits secs. Les épices laissent la place à des notes plus boisées mais qui savent rester légères.

Il est moelleux et sucré en entrée de bouche mais très rapidement il devient puissant, astringent et épicé. Alors que des banderilles de clous de girofle piquent la langue il révèle des notes boisées et révèle son coté rancio.

En le conservant dans la bouche il devient plus mielleux et compoté mais conserve une pointe d’amertume d’agrume.  

La finale est très longue comme pour saluer le travail de 21 ans de fût. On lui trouvera des notes maltées au début puis de notes plus proches de l’encaustique boisée dans la gorge. Les joues sont comme enrobées de miel d’acacia.

Le verre vide se pare de notes sucrées et maltées. Je vous conseille de ne pas laver le verre car il va devenir tabac blond à la longue.

On pourra relever ici le travail du "Tonton Zegut" du whisky français, au travers de ce beau whisky et on se prend déjà à rêver des deux autres fût de vin du jura qui attendent leur heure en fonçant encore plus ce distillat sortit de l'alambic blavier !